Aujourd’hui, il fait chaud et l’orage gronde. Je travaille au sous-sol d’une librairie. C’est samedi et le magasin est vide. Avec Esther, on se dispute l’envoi des dernières ventes Amazon. Esther me dit : « je suis désolée de jamais avoir pris le temps de t’apprendre le métier de libraire. »
Esther disparaît, elle me laisse tout son rayon à gérer, le rêve. Le patron promet de m’embaucher de façon indéterminée si je suis à la hauteur du poste. Je m’en vais après huit contrats de travail successifs. Je n’y crois plus, à cette embauche.
Après, c’est le chômage. C’est étrange de rester seule au début, ,quant tout le monde s’en va au travail. Le pire, c’est la rentrée des classes.
Je me passionne pour la marche.
Je marche. Je suis tous les chemins insalubres et insolites pour dénicher quelques spots merveilleux. Je zone place Simone de Beauvoir. Il y a là-bas une caserne militaire et surtout une vue imprenable sur la ville.
La ville. Klaxons, pigeons, blocs et béton. Tout ce que j’aime réuni au fond d’une boîte de Polypocket à échelle humaine.
Je erre. Je vole des fleurs sur vos parterres la nuit.
J’écoute Nina Simone, je hurle les paroles de ses chansons. J’égare mes clés de maison.
J’ai la sensation étrange de prendre des libertés que je n’ai jamais prises. Je me saoûle seule et je me plaît à oublier le monde qui m’entoure et ses impératifs.
Je découvre Guy Debord et ses amis, la belle clique… Je ne retiens qu’une de leurs phrases, à leurs débuts, taguée à la va-vite sur les quais de Seine en 1953 : « Ne travaillez jamais. »
Apache
illustrations : Apache