« Maman, plus tard, je veux être comédien ». Une gifle inattendue pour réponse.
Quelle folie que d’imaginer son fils intermittent du spectacle, vivre dans la précarité annoncée, par la télé surtout. Non, juste une claque. « Le reste, tu comprendras toi-même », pensait-elle très fort.
Gosse, on nous tanne pour trouver une voie professionnelle. Sans s’en rendre compte, les questions changent : de « Il veut faire quoi plus tard le p’tit bout de chou ? » à « Mais qu’est-ce que tu vas faire de ta peau ? » pour finir sur « Mais de quoi vas-tu vivre ? ».
Juste vivre, sans perdre notre précieux temps à se conformer à la norme, dans le travail productif. Mon rêve, il coupe à travers champs, il se couche dedans, il profite des caresses du soleil, de sa chaleur. Ce rêve, il ne cherche pas les sentiers battus, il trace sa route sans connaître sa destination, mais il y va, avec détermination.
Explorer le monde, le rencontrer, l’éprouver pour en extraire tout le nectar, pour le savourer avant qu’il ne soit venu, le temps de se souvenir. C’est maintenant et partout qu’il faut jouir de la vie, de ses délices, dans le travail, ou pas d’ailleurs, mais à sa manière.
La loi travail veut briser ce rêve, il va à contre-sens de son objectif : l’émancipation de l’individu. Il permet le planning horaire salarial format gruyère, il autorise d’exiger la disponibilité totale des salariés au profit de l’entreprise, et donc du patronat. L’étalement de la durée d’employabilité, c’est autant de temps confisqué à la vie, à notre épanouissement tant individuel que collectif et surtout choisi.
La loi est généralement en retard sur les évolutions de la société. Or, la loi travail, favorable à la précarisation des conditions salariales, nous indique ici que les rapports entre les patrons et leurs employés qu’elle entend légiférer, sont déjà pratiqués grâce à la labilité du droit et des conventions collectives. La réalité de cette loi scélérate est déjà trop présente, je ne veux pas qu’elle soit inscrite dans le marbre. Ma propre réalité est différente. C’est sûr, un jour je monterai sur les planches.
La taupe
photo : Liza Zouille