Ouest Torch'

Sentiments face à la légalisation de la violence

Danse du tonfa, le 17 mai 2016 à Rennes.

J’ai longuement réfléchi à ce que je ressentais aujourd’hui. De la rage, du dépit, quelque chose d’intermédiaire ? Non. Après réflexion, c’est de la trahison que je ressens.

Aujourd’hui, j’ai été agressé dans la rue. Un homme, parmi trois autres m’a sifflé dans la rue.
J’ai levé les yeux, et j’ai compris en un coup d’œil que je ne pouvais faire autrement que de m’approcher d’eux. Je me suis exécuté, et ils ont commencé à m’insulter : « Sale merdeux de casseur ! Ouvre ton sac ! ». Calmement, j’ouvris mon sac à dos et ils me l’arrachèrent des mains tandis qu’une seconde paire de bras m’attrapa violemment. Une main dans la poche droite de mon jean noir et l’autre fermement appuyée sur mon dos. Sentant mon pantalon descendre sur mes cuisses, je demandais poliment si je pouvais plutôt vider mes poches moi-même : « Nan, toi, tu bouges pas et tu fermes juste ta gueule ! » répondit le délicat propriétaire de la paire de bras puissants qui me bloquaient sur place. Je me tus, et observais avec un calme difficile à garder, mes affaires s’étaler sur le trottoir.

Fouille au corps

La fouille au corps que l’on me faisait subir ressemblait plus à un prétexte pour me frapper qu’à une véritable recherche. Coups (déguisés en palpations) dans les côtes, sur les jambes, cheveux tirés, etc. Mon sac contenait une veste, un sweat, un keffieh, une paire de gants de moto, un micro, le câble qui lui correspond, quel­ques déchets, et un peu d’herbe dans une broyeuse. « T’en as d’autre ? » me demanda un des hommes en me montrant mon grinder. Je lui rétorquais que non. Il le vida, le jeta au sol et l’écrasa fièrement de deux bons coups de botte renforcée. Une fois avoir également vidé mes poches sur le contenu de mon sac, le moins sympathique d’entre-eux me dit avec dédain : « C’est bon maintenant, ramasse tes merdes et casse-toi ». Toujours calmement, mais avec un rictus nerveux au coin des lèvres, je remplis mon sac, en constatant que mes gants et mon matériel de son avaient disparu du trottoir. Qui étaient donc ces quatre hommes ? Un groupe de « fachos » violents qui rackettent des « gauchistes » en sortie de manif ?
Une bande de « racailles » avide de trouver du matériel de valeur dans un sac à dos ? On pourrait évidemment épiloguer là-dessus longtemps. Non, ces quatre personnes, entourées de dizaines de leurs collègues, étaient des hommes censés être respectables et inspirer la confiance. Des représentants de la Nation. Oui, mes amis, ce texte est le récit d’un contrôle de routine effectué par les forces de l’ordre. Aujourd’hui, aussi choquant que cela puisse paraître, j’ai été littéralement agres­sé, sans raison ni semonce par des membres d’une Compagnie Républicaine de Sécurité.
Aujourd’hui, un CRS m’a reclassé au rang de raclure de la société.

A chacun son arme

L’État français, qui m’a vu naître et grandir, m’a agressé. Alors oui, j’avais de l’herbe, un produit illicite, en ma possession, j’en conviens. Mais comment justifie-t-on, en France, la brutalité d’une telle fouille au corps ? Vous privez là un jeune technicien de son outil de travail. Mes gants étaient-ils ­illégaux ? Effectivement je les avais en prévision de la manif, car ils m’auraient permis d’attraper des lacrymogènes. Y a-t-il le moindre mal à épargner à des gens, manifestants ou non, la douleur causée par une arme chimique ? D’éviter un incendie dans un parc où des familles se reposent tranquillement ? A l’évidence, en France, oui.
Encadré par les représentants de l’État, j’ai subitement perdu tous mes droits, ma liberté d’expression, mon droit à la dignité, et j’en passe… Mon pays ma agressé. Mon gouvernement a violemment bafoué mes libertés fondamentales. Monsieur le président de la République, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’Intérieur et messieurs les membres du gouvernement, vous faites respecter des lois avec des moyens comparables à ceux d’organisations criminelles.

Monsieur le président

Messieurs les agents des forces de l’ordre, vous avez des obligations et des méthodes que je ne peux supporter d’avantage. Vous attisez la haine anti-flic dont vous vous plaignez. Si vous avez une once d’humanité et que vous en avez réellement assez de cette querelle entre vous et ceux que vous appelez « casseurs » et que j’appellerais pour ma part « militants », renoncez à vos ordres, ainsi qu’à vos emplois, s’ils vont à l’encontre de vos convictions. D’ailleurs, plus tard dans la journée, mon sac a été à nouveau fouillé par un gendarme mobile. Lui, a été poli, et tout s’est bien passé. Comme quoi, malgré les ordres, on peut rester agréable. Plutôt que de nous gazer et nous matraquer, et de nous frapper lors des fouilles (ou de regarder ses collègues faire sans réagir d’ailleurs), défendez-nous, vraiment. Vous valez mieux que ça, arrêtez de nous laisser penser le contraire.
Quant à moi, puisque la France est devenue cet État autoritaire, je refuse ma nationalité.
J’aime mon pays, mais pas son système. Vous avez déclenché en moi un processus qui ne s’arrêtera que quand un système profitable à tous sera mis en place. Celui-ci m’a trahi et je ne suis pas le seul.

Barbossa
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