Même chez les militants les plus acharnés, on entend de plus en plus de gens dire qu’ils ne croient plus au Grand soir, et encore moins à la Révolution. Personnellement, ça me chagrine. Nul ne semble s’être rendu compte que le Grand soir, c’était hier, et que nous sommes déjà en pleine révolution. Je ne parle pas de la révolution technologique qui nous a amenés à des vies totalement dépendantes de la machine. Je ne parle pas non plus de ces révolutions printanières qui fleurissent partout dans le monde, et se terminent souvent en bains de sang, au nom de l’ordre à rétablir ou d’une religion à imposer. Non, je veux vous parler du Grand soir d’hier, quand après des semaines de rencontres sur les places des villes du pays, les soirées familiales n’avaient plus le même goût, plus la même odeur. Ce Grand soir où nous sommes sortis de chez nous pour parler avec les autres malades de ce monde, de ces cancers qui nous rongent, le plus répandu étant celui du burn-out.
Aux grands maux, les grands remèdes
Pas besoin d’attendre d’avoir cinquante ans, aujourd’hui, ce fléau atteint les plus jeunes, pour peu qu’ils aient trouvé du travail. Mais il paraitrait que les jeunes ne veulent plus travailler, ils préféreraient être des assistés. Et que dire de tous ces gens qui profitent de leurs allocations pour multiplier les Grands soirs et partager leurs espoirs? Je nous dis bravo, et continuons les combats. Continuons de semer nos envies, nous en récoltons déjà les fruits, savourés, chaque Grand soir, au nez et à la barbe des états d’urgence successifs. Nous n’avons pas les mêmes urgences que l’État. La sécurité ne se gagne pas par le déploiement de forces armées dans les rues, preuve en est le nombre de morts, ici ou ailleurs. La vraie sécurité serait que chacun ait un toit, et puisse manger à sa faim, ici ou ailleurs. La vraie sécurité serait de partager le travail et surtout, de le choisir. De ne plus en être la victime, d’en devenir acteur, pour le plaisir.
Inversons l’énorme
Nos urgences ne relèvent plus de l’État, car celui-ci s’obstine à nous faire croire que le danger vient d’ailleurs. Il n’a rien compris, ou fait semblant. Il nous revient de prendre nos urgences à bras-le-corps. L’urgence de consommer moins de tout, car nous crèverons de cet autre cancer, qui en réalité est le même. Trop de tout, trop de travail, trop de bouffe, trop d’électricité, trop d’eau, trop de soumissions… Le cancer du trop. Alors, un peu partout dans le pays, dans les villes comme à la campagne, des idées et des initiatives fleurissent. Des lieux abandonnés qui reprennent vie, des monnaies locales, des systèmes d’échanges de besoins et de savoirs… Moins de pesticides dans les champs, moins d’essence pour faire ses courses, moins de bénéfices, moins de stress, moins de médicaments, mais aussi, plus immédiatement, le fort sentiment qu’en cette prochaine année électorale 2017, tout peut arriver. Le monde politique continuera de tourner en rond, la sphère médiatique ne cessera de l’entraîner dans son tourbillon. C’est à contre-courant, en continuant de partager nos idées, de créer, d’occuper les lieux, de penser nos vies et d’échanger nos savoirs que nous inverserons le sens de la spirale.