Ouest Torch'

Petite histoire de la Maison du peuple

18 septembre 2016 Ouest Torch' #7, Lieux

Haut lieu de luttes sociales et d’émergences culturelles depuis un siècle, la MDP n’est plus que l’ombre d’elle-même. La mairie de Rennes tente un nouveau coup d’intimidation avec une note plutôt salée.

T’as pas 100 balles ?

Afin d’indemniser les commerçants rennais des baisses de chiffres d’affaires subies au printemps, la ville et Rennes Métropole leur ont octroyé 350 000 €, en plus des 600 000€ versés par l’État. Dans le même temps, non satisfaite d’avoir fait évacuer la Maison du peuple à deux reprises par les forces de l’ordre, la mairie réclame la somme de 46 345€ pour de prétendues dégradations dans les lieux. À noter qu’aucun état des lieux de sortie n’a été effectué à ce jour.
Le peuple, pour qui le syndicat Solidaires 35 s’est porté garant en signant une convention d’occupation, devrait ainsi payer le bétonnage des fenêtres et des portes que la mairie a commandité! Soyons sérieux. Ce patrimoine est le symbole des luttes sociales et culturelles rennaises depuis le début du XXe siècle, il doit le rester.

Elle est à qui la Maison du peuple ?

En 1863, en France, les ouvriers obtiennent le droit de réunion.
En 1887, la première bourse du travail est crée à Paris. Après Nantes et Saint-Nazaire, celle de Rennes ouvre en 1893au café central, place du Champ-Jacquet. Par manque de place, la bourse déménage, en 1909, dans l’ancien couvent des Carmes, rue Hoche.
1911 Les 31 syndicats réunis, forts de leurs 5000 adhérents, forment une société civile immobilière (SCI) et fondent la Maison du peuple. L’objectif étant de la rendre propriétaire des lieux et de s’affranchir ainsi du pouvoir municipal. La Mdp rachète à la ville des terrains et un bâtiment, 8 rue Saint-Louis.
1918 Dans l’attente d’un véritable projet de construction, un hangar de 500 places, dédié aux réunions, est enfin édifié.
1919 En reconnaissance du «bon comportement de la classe ouvrière pendant la guerre», Jean Janvier, maire de Rennes, fait voter le principe de construction d’une salle de réunion pouvant accueillir 1600 personnes.
1925 Pour le décor de la salle, une fresque est commandée au peintre Camille Godet. Le 19 avril, la Maison du peuple est inaugurée en présence de Léon Jouhaux, secrétaire confédéral de la CGT.
1926 Les conseillers municipaux votent la création d’un dispensaire. Plus de 2000 consultations gratuites par an y sont recensées.
1930 Une troupe de théâtre, une chorale et un «cinéma du peuple» sont proposés. Durant plusieurs années, elle accueille aussi des conférences, des débats, des spectacles scolaires ou amateurs.
1936 Lors du Front populaire, la Maison du peuple est au cœur du mouvement, elle voit affluer les ouvriers. Les cahiers de revendications y sont rédigés et de grandes réunions syndicales s’y déroulent.
1938 Un bâtiment, en prolongement de la salle, et un autre, en bordure de la rue Saint-Louis, sont construits. Ils sont inaugurés le 3 juillet, et une grande fête populaire est organisée au parc du Thabor.
1964 La ville se réatribue la gestion de la salle qui devient une «maison commune servant à toutes les associations.»
1965 La Maison du peuple est rebaptisée salle de la Cité.
1974 La salle est le théâtre d’évènements socio-culturels impor tants, tel la projection du film Histoire d’A, marquant un moment symbolique dans les luttes féministes rennaises pour la libéralisation de l’avortement.
1979 Première édition des Trans Musicales de Rennes les 14 et 15 juin. La salle reste un haut lieu de découvertes musicales pendant plus de 30 ans.
1997 La fresque de Camille Godet, redécouverte, est restaurée, puis classée aux monuments historiques.
2011 L’Union départementale de la CGT quitte la Maison du peuple.
2013 Le bâtiment qu’elle occupait est démoli pour faire place à un projet de maison de quartier et d’une crèche.
2014 La salle de la Cité rouvre ses portes, les spectacles en soirée y sont limités, des syndicats s’y réunissent régulièrement.
2016 Au printemps, la salle est occupée par différents mouvements rennais : étudiants, syndiqués, nuitdeboutistes, intermittents, précaires, cantines de luttes… Au prétexte du non respect des modalités d’occupation, la Maison du peuple est évacuée le 13 mai puis, après une brève réoccupation, le 29 mai. Elle sera ensuite vidée, fermée, et gardée par des vigiles durant plusieurs semaines, avant que toutes ses ouvertures soient murées.
À l’automne, exigeons sa réouverture immédiate et entamons une réelle discussion avec la mairie pour la création rapide d’un lieu alternatif, libéré du joug municipal.

Ma Dalton, d’après les archives municipales
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