Ouest Torch'

Il était une fois le début de la fin

Vous ne le saviez peut-être pas, mais nous pouvons désormais communiquer avec un futur proche. La preuve, nous avons retrouvé cet article, daté de septembre 2017, dans les préarchives de la Torch’.

Annales

Ce qui était bien avec le dernier gouvernement de la Ve République, c’est qu’il n’avait rien vu venir. La réalité du quotidien des sans-dents lui avait totalement échappé, mais il était certain de tenir le bon bout. Il allait enrayer le chômage en supprimant les droits fondamentaux des travailleurs, abusant du 49-3 (ancien article constitutionnel permettant le vote d’une loi sans débat à l’Assemblée). Il allait accroître la compétitivité des entreprises en réduisant leurs charges, surtout sur les bas salaires. Ça coûterait moins cher et cela permettrait de ne pas faire évoluer les fiches de paye. Ce gouvernement, obnubilé par la sécurité, avait fait appel aux citoyens pour intégrer une «garde nationale», troupe de civils volontaires prêts à soutenir les professionnels (gendarmes, policiers et militaires). On aurait pu y voir une sorte de milice citoyenne délatrice, surveillant les faits et gestes de la population, mais comment imaginer de telles intentions venant d’un gouvernement socialiste ? Non, l’affaire relevait de la sécurité nationale avant tout.

Ras-le-bol général

Pendant ce temps-là, naissait le premier mouvement révolutionnaire français du 21e siècle. Des milliers de personnes étaient restées mobilisées durant des mois, imaginant des solutions pour un monde différent. Cela faisait plusieurs années que le Président, élu il est vrai un peu par défaut, leur faisait des entourloupes. Un aéroport ici, une centrale nucléaire là, des camps de réfugiés inhumains, des accords commerciaux douteux, des cités à l’abandon, des industries sacrifiées, une courbe du chômage en hausse incessante… Autant dire que cela commençait à bien faire !
Au début, ceux que l’on n’appelait pas encore la relève citoyenne étaient venus, comme à une banale manifestation contre une loi nommée travail. Cette loi prévoyait jusqu’à dix heures de travail par jour et 40 heures par semaine pour les mineurs apprentis. Elle augmentait la durée maximale de travail de nuit. Elle facilitait le recours au temps partiel contraint. Cette loi augmentait le nombre de semaines consécutives où l’on pouvait travailler 44 ou 46 heures.
Tout cela avait finalement été retiré après moult manifestations et négociations.

Quand le 21 juillet 2016, la loi fut adoptée sans vote lors d’un ultime tour de 49-3, elle permettait à une entreprise de lancer un plan social en l’absence de difficultés économiques, ou d’imposer une mesure par référendum, contre l’avis de 70% des syndicats. Les durées de congés pour maladie ou handicap d’un proche, pour cause de catastrophe naturelle, ou lors d’un congé sabbatique, n’étaient plus garanties par la loi. De plus, les négociations annuelles sur les salaires pouvaient n’être organisées que tous les trois ans! Les heures complémentaires des temps partiels seraient moins payées et leurs horaires pourraient être changés trois jours avant. En cas de trop-perçu, Pôle emploi avait eu l’autorisation de se rembourser par prélèvement sur les comptes bancaires des chômeurs. Ceux-ci se voyant octroyer deux fois moins d’indemnités (six mois au lieu de douze) en cas de licenciement suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

Pour finir, ce que l’on appela alors l’inversion de la hiérarchie des normes, soit la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, permettait d’autres excès au bénéfice des patrons: baisser les salaires et changer le temps de travail, diviser par cinq la rémunération des heures supplémentaires, passer de 10 à 12 heures de travail par jour. Et peu importait l’accord du salarié, car il n’y avait plus de dommages et intérêts minimums (six mois de salaire) en cas de licenciement injustifié.

Retour de flammes

Obsédé donc par la sécurité des biens (de ceux qui en avaient) et la sécurité de l’emploi (à l’usage des patrons), le Président de la République et son gouvernement n’avaient rien vu venir, traitant la relève citoyenne comme un vulgaire mouvement de bobos excités. Tout l’été, les agités avaient profité de cet aveuglement gouvernemental pour préparer la suite du mouvement protestataire. Ils continuaient d’élaborer des projets, de nouvelles façons d’envisager l’avenir, la démocratie, le travail, et parfois même, une nouvelle constitution. Ils se rencontraient en forêt, aux ZAD ou sur les places des villes. Ils lisaient bien plus qu’auparavant, des expériences alternatives, des pensées philosophiques, des solutions économiques. Ils parlaient, de leur passé, d’un futur et de leurs vies dans tout ça. Ils se préparaient à en découdre encore, ils n’avaient plus rien à perdre. C’est comme cela qu’en un peu plus d’une année, tout est arrivé. N’oubliez pas! C’est grâce à toutes les mobilisations, jamais éteintes, que nous vivons aujourd’hui le début d’une nouvelle ère.
À la vôtre !

Louise Michel
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