On ne cesse de dépecer le pauvre, ici et ailleurs. Devant les prédateurs choisirons-nous la fuite ou de mordre en retour, à pleines dents ? Oserons-nous devenir des bestioles détraquées et étranges, imprévisibles et ingouvernables ?
Tumeur (bouillie défaitiste)
Le soir d’automne descend doucement, quelques nuages épars s’effilochent lentement au ciel, et dans les arbres tout près, une causerie de piafs endiablés bat son plein. Ça cause, ça trille, ça siffle et ça glousse, ça s’ébroue et ça regorge de paroles en tous sens. Une source interminable de cris perlés fête le calme d’une fin de journée à l’air immobile. De temps à autre un gland tombe au sol avec un son mat. Le soir est si calme qu’on en oublie le cours du monde.
Libre et les dents pleines de sang
Pendant ce temps, le lavage des cerveaux humains se poursuit. On ne cesse de nous vendre le travail comme moyen de réalisation de nos vies, tout en le raréfiant. La grande rédemption par le travail, par l’effort, et par la souffrance nécessaire à bien se sentir exister. Souffrance acceptée, inéluctable. Courir après ce sacro-saint travail qui nous échappe, apprendre à se vendre, à devenir un compétiteur dans un monde enfin rendu à sa « liberté primordiale ». La liberté d’entreprendre, la liberté de la jungle, celle du plus fort ou du plus malin. Liberté de ne plus penser et de ne plus rendre de comptes, de ne plus s’attarder à tenter de mieux vivre ensemble. La liberté de marcher sur les autres pour palper plus de brouzoufs. La liberté de ne plus se soucier des conséquences de ses gestes. La vie est courte, après nous le déluge et vive les affaires !
On solde
Trouver le bon filon, pour fabriquer des milliardaires, essentiels à la survie de notre si beau pays à l’époque de la mondialisation. Seule importe la liberté des affaires, et le résultat immédiat, sonnant et trébuchant, réalisons les actifs ! L’État lui-même vend meubles (aéroports de Toulouse, Nice et Lyon, bientôt Paris), et indépendance technologique (Arcelor, Alstom, Lafarge…) Les services publics vont bientôt suivre.
Vote et tais-toi !
Mais que dire quand ce qui se décide est fait en nos noms ? On confond démocratie (gouvernance de tous) et représentativité (individus parlant au nom des autres). Le mince levier qui nous reste, s’il nous vient l’idée de résister au cours des choses, est de désigner périodiquement, au vote majoritaire, des représentants professionnels dont les promesses n’engagent que notre crédulité. Les dirigeants publics ou privés ne se gênent plus pour oublier leurs promesses et pour les contredire radicalement (vote des étrangers, équité sociale, préservation d’emplois, respect des libertés individuelles…) On légifère dans l’urgence à l’aide de l’article 49.3 ou mieux, d’ordonnances. On nous assure qu’il n’y a pas d’alternative, pas d’autres solutions. Il n’est plus la peine de penser, plus la peine de comprendre, plus la peine de s’entraider ni de prendre soin les uns des autres. La voracité du portefeuille sert d’unique motivation, sans qu’il n’y ait de cesse. La violence à ciel ouvert, la brutalité la plus bestiale se déploient. On s’assure encore un peu plus les coudées franches à l’aide de procédures d’exceptions toujours plus banalisées.
On te dit de te taire !
État d’urgence reconduit à l’envie, puis institutionnalisé, assignations à résidence et interdictions individuelles de manifester (600 en deux ans), interdiction des manifestations elles-mêmes (une tous les trois jours), criminalisation des plus anodines formes de contestation. La violence policière se développe en toute impunité (nassage, gazage à bout portant, emploi de taser, de flashball et de grenades) avec son cortège de bavures et de blessés (mille, à Paris seul, pendant les manifestations contre la loi travail en 2016).
Rester debout
Bouhou hou… Quelle désolation ! Mais ce n’est certes pas en se décourageant que la pression sociale s’atténuera. Il n’y aura malheureusement jamais de cesse à la voracité de ceux qui se pignolent aux brouzoufs. La soumission n’apporte pas de rémission. Gardons notre sang-froid et nos capacités de penser. Nous sommes nombreux. Développons les forces de l’intelligence, et de l’imaginaire les plus débridés. Créons de la surprise, surprenons-nous et multiplions des stratégies étranges. Soyons résolus et fermes sur nos refus. Inventons des jeux de résistances et de vie. Soyons forts, faibles, impalpables, et bizarres. N’ayons aucun doute sur notre légitimité à vivre et à vivre bien. Soyons sable, vent ou brouillard, lenteur ou jaillissement. Ne prenons pas le dessus et n’ayons pas le dessous. Ya basta !